Revenons aujourd’hui sur la proposition de loi Luquet relative à la charge fiscale de la pension alimentaire, déposée à l’assemblé nationale le 2 » août 2022, adoptée en première lecture le 6 octobre 2022 et en ce moment à l’étude au Sénat.
Ce texte vise à modifier, pour le parent qui la perçoit, le régime fiscal de la pension alimentaire.
Qu’en est-il actuellement ?
Aujourd’hui les sommes perçues à titre de pension alimentaire s’ajoutent aux revenus de celui qui la reçoit et doivent donc être déclarées comme tel. Elles sont imposées fiscalement après un abattement de 10%.
Cette loi viendrait donc modifier l’article article 80 septies du code général des impôts.
Y serait insérée la phrase suivante : « Les pensions alimentaires reçues pour l’entretien d’un enfant mineur ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu dans la limite de 4 000 euros par enfant plafonnée à 12 000 euros par an. »
Le texte initial prévoyait donc de ne pas fiscaliser la pension alimentaire perçue par le parent ayant la charge des enfants ; et parallèlement, de ne pas autoriser la déduction du versement des sommes correspondant à la pension alimentaire, pour que cela ne crée pas de perte de recettes pour le budget de l’État.
Cette seconde partie n’apparaît plus dans la proposition de loi adoptée transmise au Sénat. La déduction continue donc comme avant.
La perte de recette fiscale sera encore une fois compensée sur les tabacs.
Que penser de cette proposition de loi ?
Pour ma part j’y suis favorable et l’appelais de mes vœux.
Il y a d’abord des raisons sociologiques qui sont parfaitement rappelées dans l’exposé de motifs du texte : résidence des enfants plus souvent fixée chez la mère, contribution financière essentiellement versée par un père à une mère à proportion de leurs ressources, rémunération des femmes inférieure de 28,5 % à celle des hommes , conséquences majeures des séparations sur le train de vie de la mère… Une étude récente montre qu’un divorce ou une rupture de Pacs est à l’origine d’une perte moyenne de niveau de vie de 19 % pour les femmes et de seulement 2,5 % pour les hommes.
Il faut aussi rappeler qu’ il est rare que la pension alimentaire couvre le coût réel de la charge des enfants vivant dans le foyer.
L’idée est donc d’aider ces parents à qui il revient, pour l’essentiel, d’assurer la charge des enfants vivants dans le foyer et d’éviter de leur imposer une « double peine » entre la charge des enfants au quotidien et la charge fiscale.
Ce texte viendrait également poser une certaine cohérence par rapports aux autres ressources parfois perçues pour assumer les enfants. Je pense ici aux diverses prestations sociales et aides de la CAF dont il est communément admis et considérés par les juges aux affaires familiales qu’elles ne doivent pas être prises en compte à titre de revenus. Cela est totalement justifié puisque les aides et prestations sociales ne doivent pas être déclarées aux impôts et ne sont pas imposables.
Pourquoi dès lors imposer un autre régime aux contributions financières aux charges d’entretien et d’éducation de l’enfant versées par un parent à l’autre pour le même objet à savoir répondre aux besoins de l’enfant et en assumer la charge ? Ce nom même donné à l’ancienne pension alimentaire rendait injustifiée la dichotomie du régime fiscal appliqué.
Ce nouveau texte viendrait donc poser davantage d’égalité et d’équité entre les parents et mettrait en outre le Droit français à l’unisson du Droit en général puisqu’à l’étranger, le modèle dominant est celui où la pension alimentaire n’est ni déductible du revenu du débiteur ni imposable pour le créancier.